La notion d’« hypno-systémique » réunit les conceptions de la thérapie systémique et celles de l’hypnose éricksonienne. Au cours des années 1970, l’équipe de Heidelberg (Helm Stierlin et Gunther Schmidt) a développé, en étroite coopération avec le groupe de Milan (Selvini, Boscolo, Cecchin, Prata), l’approche « systémique constructiviste ».
L’idée de base consiste à rappeler que les pensées, les émotions et les comportements de l’être humain s’opèrent toujours en rapport avec d’autres, dans leur contexte écologique. L’unité de base est la totalité du système dans lequel l’individu est intégré, unité qui englobe l’organisme ainsi que son entourage biosocial et physique. La pensée systémique souligne moins les caractéristiques de l’individu que celles des interactions qui garantissent la cohésion du système vivant qui suit des règles inhérentes se reproduisant en permanence, de lui-même, créant à chaque instant ses propres réalités.
Jamais une description ne peut être une reproduction exacte de ce qui « existe réellement » ; elle apparaît par la focalisation de l’attention à travers les cinq sens (VAKOG). Cette approche s’inscrit dans le courant de la maxime constructiviste de Maturana et Varela (1982) suivant laquelle « la réalité est une construction consensuelle qui apparaît comme si elle existait “objectivement” ». C’est la théorie de l’autopoïèse développée dans le prolongement de Bateson et de Wittgenstein. Chaque individu développe au
cours de sa vie ses propres structures de perception et d’intégration du vécu, ainsi qu’un propre mode de fonctionnement biologique du cerveau par systèmes fermés.
Milton Erickson – mort en 1980 – s’est déjà, au cours des années 1930, orienté vers ces concepts qui sont confirmés parles recherches actuelles en neurologie. A
la différence des systèmes humains, les systèmes purement biologiques ont une fin en soi et ne peuvent pas être simplement transférés.
La pensée systémique, comme celle de l’hypnose, partage une vision identique sur la manière dont des changements interviennent. Le vécu de l’individu est expression des représentations (schémas, patrons) engendrées au cours de la vie, constituant des réseaux d’associations au niveau neurologique en permanente réassociation. Un changement intervient par la création de différences. Evénements et symptômes sont le résultat d’actions et d’interactions. Une vision purement psychique est forcément réductrice. Pour réaliser des transformations, il n’est nullement nécessaire de modifier un réseau entier, il suffit d’introduire de petites disparités au niveau des enchaînements pour provoquer une transformation de l’ensemble du système,puisque tout réseau est en permanente interaction (tache d’huile).
Gunther Schmidt écrit dans une de ses publications : « Au retour de ma visite chez Milton Erickson peu avant sa mort, je me suis efforcé en priorité de relier les conceptions
systémiques - constructivistes si précieuses avec les modèles éricksoniens. Cela m’a amené à créer l’appellation d‘hypnosystémique, puisque les deux approches
présentent de nombreux parallèles, aussi bien au niveau théorique qu’au niveau des stratégies d’action (méthodes). Leur intégration a encouragé à la révision d’un certain
nombre de positionnements des deux concepts. Mon séjour chez Erickson a fondamentalement changé ma propre manièrede penser et d’agir, comme d’ailleurs celle du monde systémique en Allemagne. »
Y A-T-IL UNE RÉALITÉ ? TOUT EST PERCEPTION
Le « Je perçois ! » ne peut pas être une image photographique de ce qui « est », mais un acte créateur autonome et autoorganisé.C’est le résultat d’un choix parmi diverses stimulations de ce que l’on appelle la « perception ». Nous sommes intégrés dans un jeu dialectique de changements permanents (comme dans une danse) que nous concevons de manièreautonome, sans toutefois être complètement indépendants. Au sein de la mémoire,la mulébreux « passés » et de nombreux « avenirs ». Nous réactivons ces réseaux suivant les sollicitations de l’instant (par exemple, musique, odeur, mimiques, etc.) qui sont pour une grande partie in-conscientes. Par une intervention hypnosystémique, elles sont rendus conscientes en dégageant émotions, souvenirs, réactions corporelles, explications, jugements de valeur, attentes, métaphores, etc. Nous
créons en permanence notre perception par nos pensées et imaginations, en activant ces réseaux qui produisent la « réalité» dominante accompagnée d’une réaction au niveau du corps (des muscles,des hormones, de la tension artérielle, de la respiration, du pouls, de la coordination, etc.), et présumons souvent qu’elle est le produit de forces extérieures ou d’impulsions intérieures incontrôlables. Pour maîtriser cette complexité, nous inventons des catégories qui souvent s’avèrent restrictives ou même répressives
(diagnostics).
DIALECTIQUE HYPNO-SYSTÉMIQUE
Affirmer que toute transformation au niveau individuel – qu’elle soit intentionnelle ou non – ait des répercussions surle système social (couple, famille, entreprise…) est une banalité. Ceci est vrai aussi bien à propos des changements concernant les symptômes que pour l’introduction de (nouvelles) ressources. Vivant un problème, l’individu se sent affaibli, diminué, vieilli (etc.), ne correspondant plus aux désirs de son entourage. Il se peut pour -tant que le « problème » soit une preuve, par exemple, de loyauté, d’honnêteté ou de fidélité. Les problèmes s’avèrent donc comme des tentatives de solution dans des situations de porte-à-faux. On pourrait même affirmer que « les problèmes sont des solutions » (Klaus Mücke). Souffrir d’un symptôme est vécu comme une expérience négative, comme signe d’une incompétence ou d’un déficit à effacer,
à faire disparaître. De telles réactions s’avèrent particulièrement résistantes à la transformation souhaitée. L’idée qu’elles peuvent avoir un contenu raisonnable,même judicieux, ou être un soutien, apparaît dans l’immédiat souvent comme erroné et/ou aberrant.
Gisela DREYER - Psychologue clinicienne en cabinet privé à Bonn en Allemagne. Correspondante de la revue Internationale « HYPNOSE &Thérapies Brèves ».
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