Par Sophie TOURNOUËR, Membre de France EMDR IMO, formatrice au CHTIP College Hypnose et Therapies Integratives de Paris * Institut In-Dolore
Le CHEMSEX est aujourd’hui hélas, une addiction en pleine expansion dans certaines communautés.
Le terme chemsex, qui est la contraction de « chemical » et « sex », désigne une pratique en très forte croissance dans les communautés HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes). Cette combinaison de sexualité intense et de drogues de synthèse, le plus souvent dans un cadre festif s’accompagne d’une double dépendance : une dépendance au plaisir sexuel extrême et une dépendance aux produits comme la méphédrone, 3MMC, cathinones...).
L'injection, le « slam » va amplifier les effets et accélère la perte de contrôle. Malgré la banalisation de la PrEP (prophylaxie pré-exposition au VIH), les conséquences psychologiques, sociales et sanitaires du chemsex deviennent aujourd’hui très préoccupantes. Les Centres de Soin, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) proposent aujourd’hui des consultations spécialisées pour répondre à ce phénomène très complexe.
Mr. X. : un parcours traumatique marqué par la honte et le rejet.
Mr. X a une trentaine d’années, et pousse la porte d’un CSAPA parisien, accablé par une tristesse profonde et des idées noires. Dès le premier entretien, il va évoquer un passé douloureux : des abus sexuels subis enfant par sa nourrice, un rejet brutal de son père à cause de son homosexualité, et des violences dans une relation amoureuse qui l’a initié au slam.
Arrivé en France pour fuir un environnement hostile, il s’était donné une chance de se reconstruire. Diplômé en comptabilité, il rêve pourtant de littérature. Sa rencontre amoureuse en France l’emmène très vite dans le monde du chemsex. Après la rupture, il conserve cette pratique, devenue rituelle et incontrôlable.
« Croire en moi » : poser un objectif thérapeutique clair
Dans le modèle Approche Centrée Solution (ACS), utilisé comme le socle thérapeutique, tout commence par la définition d’un objectif. Celui de M. X. sera : « croire en moi ». Ce cap devient la boussole de la thérapie.
Cette approche ne se concentre pas uniquement sur le problème (ici le chemsex), mais cherche à identifier les exceptions au trouble, à activer les ressources déjà présentes et à mobiliser les forces du patient. Dès les premiers entretiens, la thérapeute met en lumière les moments où M. X. parvient à réduire sa consommation ou à éprouver du plaisir sans produits: les exceptions.
Une tâche lui est confiée : prendre une heure par jour pour faire une activité qui lui procure du plaisir, ce qui est une démarche paradoxale pour un homme enfermé dans la culpabilité.
L’EMDR-IMO : traiter le trauma à la racine
L’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing), enrichi par l’IMO (Intégration par les Mouvements Oculaires), est un outil particulièrement efficace (EMDR - IMO) dans le traitement des psychotraumatismes complexes.
Contrairement à l’ACS qui contourne le trauma pour renforcer l’avenir, l’EMDR-IMO pénètre au cœur de la douleur, dans le centre du problème. Le patient va être invité au cours de la séance, à suivre les mouvements oculaires de la thérapeute pendant que ressurgissent émotions, images, souvenirs, sensations corporelles et pensées. Chaque émergence va être traitée jusqu’à la disparition ou la transformation.
Lors de la première séance, Mr. X. revit les paroles cinglantes de son père :
« Je ne peux accepter d’avoir un fils gay ! Tu peux oublier que tu as une famille ! » Les larmes coulent, les insultes en langue maternelle jaillissent, la colère explose.
Le corps s’agite, se crispe.
L’intensité est telle qu’il veut fuir.
La thérapeute, formée à ces tempêtes, ces tsunamis émotionnels, le retient et l’accompagne avec bienveillance, assurant un cadre de sécurité: « Maintenant que nous avons ouvert la brèche, il ne serait pas raisonnable de vous laisser partir comme cela. On s’accroche… »
Le mouvement oculaire devient un outil de nettoyage neuronal, aidant le cerveau à retraiter les souvenirs figés dans le traumatisme.
Une amélioration tangible dès les premières semaines.
Un mois après la première séance d’EMDR-IMO, les changements sont déjà bien notables. M. X. déclare avec surprise qu’il se sent mieux, moins anxieux, avec moins d’envies de consommer. Il n’a fait qu’un seul plan depuis, et l’a aussi mieux contrôlé. Même sous l’effet des produits, il restait en conscience, et il parvient parfois à dire non.
Il évoque aussi une évolution capitale : il réussit à se masturber sans culpabilité, ce qui était autrefois impossible. Il ose parler de plaisir sans honte. La revalorisation de soi, facilitée par les séances, transforme en profondeur son rapport à lui-même.
Sur l’échelle « croire en moi » définie au départ, il passe de 0,5 à 6/10.
Une deuxième séance EMDR-IMO : guérir l’abandon et la violence relationnelle.
Lors d’un sixième entretien, une seconde séance de mouvements oculaires cible une autre blessure : la rupture amoureuse et l’abandon violent qui a précipité la rechute dans le slam. Le travail sur la culpabilité d’avoir accepté l’inacceptable est engagé.
Les bénéfices se confirment : deux mois et demi sans consommation. Mr. X. réalise que le chemsex n’était qu’un refuge pour fuir la douleur de ses traumatismes. Il commence alors à intégrer que son comportement autodestructeur prenait racine dans la honte et la culpabilité liées à son passé.
Résilience, conscience et réintégration du plaisir.
Les entretiens suivants montrent un changement de paradigme : M. X. ne se définit plus comme « chemsexeur ». Il parle de renaissance, d’alignement entre ses émotions, ses pensées et ses actions. Il découvre le plaisir du quotidien : regarder les arbres, marcher au soleil, cuisiner, lire...
Il envisage même de reprendre des études de littérature, renouant avec son rêve d’enfant. Sur l’échelle de départ, il atteint 8,5/10, marquant symboliquement la fin de la thérapie.
Les clés du succès : allier ACS et EMDR-IMO.
Ce protocole en huit séances démontre l’intérêt d’un accompagnement combinant :
• L’ACS (Approche Centrée Solution) pour construire un cadre d’espoir, d’autonomie et d’action dès les premiers instants de la consultation ;
• L’EDR (Exception-Différence-Relation) pour repérer les moments « préservés » de la problématique et épaissir les ressources existantes ;
• L’EMDR-IMO, enfin, pour nettoyer, digérer les traumas profonds, enfouis, qui alimentent l’addiction.
L’alliance de ces approches thérapeutiques permet un traitement respectueux, sur-mesure et transformationnel, qui va être capable de réparer l’intime et de restaurer la confiance en soi.
Ainsi donc, nous pouvons dire qu’il faille guérir l’intime pour rompre avec le chemsex
La thérapie de Mr. X. illustre combien les comportements d’addiction ne peuvent être compris sans une lecture traumatologique. Le chemsex n’est pas seulement une recherche de plaisir, mais souvent une tentative désespérée d’oublier la douleur. Derrière chaque plan, il y a un cri non entendu.
C’est pourquoi il nous semble qu’il est urgent de former les professionnels et les aidants à des outils spécifiques comme l’ACS et l’EMDR-IMO, pour permettre aux personnes concernées de se reconnecter à elles-mêmes, de s’autoriser le plaisir, et de croire enfin en elles.
Le CHEMSEX est aujourd’hui hélas, une addiction en pleine expansion dans certaines communautés.
Le terme chemsex, qui est la contraction de « chemical » et « sex », désigne une pratique en très forte croissance dans les communautés HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes). Cette combinaison de sexualité intense et de drogues de synthèse, le plus souvent dans un cadre festif s’accompagne d’une double dépendance : une dépendance au plaisir sexuel extrême et une dépendance aux produits comme la méphédrone, 3MMC, cathinones...).
L'injection, le « slam » va amplifier les effets et accélère la perte de contrôle. Malgré la banalisation de la PrEP (prophylaxie pré-exposition au VIH), les conséquences psychologiques, sociales et sanitaires du chemsex deviennent aujourd’hui très préoccupantes. Les Centres de Soin, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) proposent aujourd’hui des consultations spécialisées pour répondre à ce phénomène très complexe.
Mr. X. : un parcours traumatique marqué par la honte et le rejet.
Mr. X a une trentaine d’années, et pousse la porte d’un CSAPA parisien, accablé par une tristesse profonde et des idées noires. Dès le premier entretien, il va évoquer un passé douloureux : des abus sexuels subis enfant par sa nourrice, un rejet brutal de son père à cause de son homosexualité, et des violences dans une relation amoureuse qui l’a initié au slam.
Arrivé en France pour fuir un environnement hostile, il s’était donné une chance de se reconstruire. Diplômé en comptabilité, il rêve pourtant de littérature. Sa rencontre amoureuse en France l’emmène très vite dans le monde du chemsex. Après la rupture, il conserve cette pratique, devenue rituelle et incontrôlable.
« Croire en moi » : poser un objectif thérapeutique clair
Dans le modèle Approche Centrée Solution (ACS), utilisé comme le socle thérapeutique, tout commence par la définition d’un objectif. Celui de M. X. sera : « croire en moi ». Ce cap devient la boussole de la thérapie.
Cette approche ne se concentre pas uniquement sur le problème (ici le chemsex), mais cherche à identifier les exceptions au trouble, à activer les ressources déjà présentes et à mobiliser les forces du patient. Dès les premiers entretiens, la thérapeute met en lumière les moments où M. X. parvient à réduire sa consommation ou à éprouver du plaisir sans produits: les exceptions.
Une tâche lui est confiée : prendre une heure par jour pour faire une activité qui lui procure du plaisir, ce qui est une démarche paradoxale pour un homme enfermé dans la culpabilité.
L’EMDR-IMO : traiter le trauma à la racine
L’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing), enrichi par l’IMO (Intégration par les Mouvements Oculaires), est un outil particulièrement efficace (EMDR - IMO) dans le traitement des psychotraumatismes complexes.
Contrairement à l’ACS qui contourne le trauma pour renforcer l’avenir, l’EMDR-IMO pénètre au cœur de la douleur, dans le centre du problème. Le patient va être invité au cours de la séance, à suivre les mouvements oculaires de la thérapeute pendant que ressurgissent émotions, images, souvenirs, sensations corporelles et pensées. Chaque émergence va être traitée jusqu’à la disparition ou la transformation.
Lors de la première séance, Mr. X. revit les paroles cinglantes de son père :
« Je ne peux accepter d’avoir un fils gay ! Tu peux oublier que tu as une famille ! » Les larmes coulent, les insultes en langue maternelle jaillissent, la colère explose.
Le corps s’agite, se crispe.
L’intensité est telle qu’il veut fuir.
La thérapeute, formée à ces tempêtes, ces tsunamis émotionnels, le retient et l’accompagne avec bienveillance, assurant un cadre de sécurité: « Maintenant que nous avons ouvert la brèche, il ne serait pas raisonnable de vous laisser partir comme cela. On s’accroche… »
Le mouvement oculaire devient un outil de nettoyage neuronal, aidant le cerveau à retraiter les souvenirs figés dans le traumatisme.
Une amélioration tangible dès les premières semaines.
Un mois après la première séance d’EMDR-IMO, les changements sont déjà bien notables. M. X. déclare avec surprise qu’il se sent mieux, moins anxieux, avec moins d’envies de consommer. Il n’a fait qu’un seul plan depuis, et l’a aussi mieux contrôlé. Même sous l’effet des produits, il restait en conscience, et il parvient parfois à dire non.
Il évoque aussi une évolution capitale : il réussit à se masturber sans culpabilité, ce qui était autrefois impossible. Il ose parler de plaisir sans honte. La revalorisation de soi, facilitée par les séances, transforme en profondeur son rapport à lui-même.
Sur l’échelle « croire en moi » définie au départ, il passe de 0,5 à 6/10.
Une deuxième séance EMDR-IMO : guérir l’abandon et la violence relationnelle.
Lors d’un sixième entretien, une seconde séance de mouvements oculaires cible une autre blessure : la rupture amoureuse et l’abandon violent qui a précipité la rechute dans le slam. Le travail sur la culpabilité d’avoir accepté l’inacceptable est engagé.
Les bénéfices se confirment : deux mois et demi sans consommation. Mr. X. réalise que le chemsex n’était qu’un refuge pour fuir la douleur de ses traumatismes. Il commence alors à intégrer que son comportement autodestructeur prenait racine dans la honte et la culpabilité liées à son passé.
Résilience, conscience et réintégration du plaisir.
Les entretiens suivants montrent un changement de paradigme : M. X. ne se définit plus comme « chemsexeur ». Il parle de renaissance, d’alignement entre ses émotions, ses pensées et ses actions. Il découvre le plaisir du quotidien : regarder les arbres, marcher au soleil, cuisiner, lire...
Il envisage même de reprendre des études de littérature, renouant avec son rêve d’enfant. Sur l’échelle de départ, il atteint 8,5/10, marquant symboliquement la fin de la thérapie.
Les clés du succès : allier ACS et EMDR-IMO.
Ce protocole en huit séances démontre l’intérêt d’un accompagnement combinant :
• L’ACS (Approche Centrée Solution) pour construire un cadre d’espoir, d’autonomie et d’action dès les premiers instants de la consultation ;
• L’EDR (Exception-Différence-Relation) pour repérer les moments « préservés » de la problématique et épaissir les ressources existantes ;
• L’EMDR-IMO, enfin, pour nettoyer, digérer les traumas profonds, enfouis, qui alimentent l’addiction.
L’alliance de ces approches thérapeutiques permet un traitement respectueux, sur-mesure et transformationnel, qui va être capable de réparer l’intime et de restaurer la confiance en soi.
Ainsi donc, nous pouvons dire qu’il faille guérir l’intime pour rompre avec le chemsex
La thérapie de Mr. X. illustre combien les comportements d’addiction ne peuvent être compris sans une lecture traumatologique. Le chemsex n’est pas seulement une recherche de plaisir, mais souvent une tentative désespérée d’oublier la douleur. Derrière chaque plan, il y a un cri non entendu.
C’est pourquoi il nous semble qu’il est urgent de former les professionnels et les aidants à des outils spécifiques comme l’ACS et l’EMDR-IMO, pour permettre aux personnes concernées de se reconnecter à elles-mêmes, de s’autoriser le plaisir, et de croire enfin en elles.
Psychologue clinicienne, thérapeute familiale et de couple. Hypnothérapeute, spécialisation en psychotraumatisme.
Formatrice et superviseur au CHTIP COLLÈGE D’HYPNOSE ET THÉRAPIES INTÉGRATIVES DE PARIS, à l’Institut INDOLORE, à l’Institut HYPNOTIM.. Elle est Membre de France EMDR IMO.
Elle est formatrice entre autre sur l'Approche Centrée Solution dans le cadre du CHEMSEX et autres addictions.
Formatrice et superviseur au CHTIP COLLÈGE D’HYPNOSE ET THÉRAPIES INTÉGRATIVES DE PARIS, à l’Institut INDOLORE, à l’Institut HYPNOTIM.. Elle est Membre de France EMDR IMO.
Elle est formatrice entre autre sur l'Approche Centrée Solution dans le cadre du CHEMSEX et autres addictions.